Publié le: 10/12/2025 @ 15:02:24: Par Nic007 Dans "Droit"
DroitLe Parlement de Berlin a adopté l'une des réformes les plus intrusives en matière de libertés civiles de ces dernières années. Un amendement à la loi sur la sécurité et l'ordre publics redéfinit les relations entre les citoyens et les institutions de l'État. La coalition CDU-SPD, soutenue par l'AfD, a fait adopter un ensemble de mesures autorisant la surveillance policière dans les espaces numériques et physiques. La sénatrice Iris Spranger a souligné la nécessité de moderniser les services de surveillance à l'ère du chiffrement des communications, des cyberattaques et des menaces terroristes. Les critiques pointent du doigt une contradiction avec les principes de protection de la vie privée qui ont caractérisé l'approche berlinoise en matière de surveillance depuis des décennies. Les débats les plus vifs ont été suscités par les dispositions relatives à la surveillance des sources de télécommunications et des recherches internet. Aux termes des paragraphes 26a et 26b, la police est habilitée à intervenir sur les appareils numériques. Cela inclut l'installation de logiciels espions sur les smartphones et les ordinateurs, ainsi que l'interception du contenu des communications avant et après chiffrement. Si l'intervention à distance s'avère impossible, la loi autorise les agents à pénétrer physiquement dans un domicile pour accéder au matériel. Cette position marque un changement par rapport à celle de Berlin, qui interdisait auparavant des pratiques similaires. La ville rejoint ainsi les Länder qui autorisent l'installation de chevaux de Troie appartenant à l'État lors d'opérations discrètes menées dans des domiciles privés. Des experts en sécurité informatique soulignent que le fait de dissimuler les vulnérabilités des systèmes à des fins policières accroît le risque d'attaques contre tous les utilisateurs. Des juristes remettent également en question la constitutionnalité de cette mesure, arguant que la confusion entre espionnage numérique et physique viole les droits fondamentaux.

La réforme comprend également de nouvelles dispositions relatives aux caméras corporelles. L'article 24c autorise leur activation au domicile des policiers lorsqu'ils estiment qu'il existe une menace pour la vie ou la santé des agents. Le gouvernement présente cette mesure comme une protection pour les policiers lors de leurs interventions. Les organisations de la société civile soulignent qu'elle introduit la surveillance dans les sphères les plus intimes de la vie privée. L'article 26e autorise la police à mener des enquêtes générales sur les antennes-relais de téléphonie mobile. Cela signifie qu'elle peut obtenir des informations sur tous les téléphones se connectant à une antenne spécifique à un moment précis. Cette méthode lui permet de suivre les déplacements de personnes non impliquées dans l'enquête, y compris ceux de manifestants. L’alinéa 24d introduit quant à lui les systèmes de reconnaissance automatique des plaques d’immatriculation et leur vérification immédiate dans les bases de données. L’alinéa 24h étend les pouvoirs de police afin d’y inclure la prise de contrôle des drones si les conditions opérationnelles le justifient. L'article 28a ouvre la voie à la reconnaissance faciale et vocale des résidents à partir de contenus publiés en ligne. La police peut combiner les images de vidéosurveillance avec les images et vidéos des réseaux sociaux, ce qui permet des procédures d'identification plus automatisées. Une autre modification, inscrite au paragraphe 42d, autorise l'utilisation de données réelles pour l'entraînement des systèmes d'intelligence artificielle. Images, enregistrements et contenus de messages peuvent servir à créer et tester des modèles. Les critiques estiment que cela contrevient au principe de limitation des finalités et pourrait mener à la création de bases de données quasi-archivistiques pour l'analyse algorithmique.

Désormais, la police peut maintenir les personnes en détention jusqu'à cinq jours, et jusqu'à sept jours dans les affaires de terrorisme. Ce débat s'est déroulé dans un contexte de protestations du mouvement « La Dernière Génération », dont les militants ont été emprisonnés à plusieurs reprises pour de courtes durées. L'organisation NoASOG a qualifié la loi d'attaque contre la société civile. La Société pour les droits civiques a annoncé son intention de saisir la Cour constitutionnelle. La commissaire à la protection des données de Berlin, Meike Kamp, a décrit ce « cheval de Troie » d'État comme une attaque frontale contre la sécurité des données des citoyens et a souligné les graves préoccupations constitutionnelles qu'il soulève. Berlin s'est forgée une réputation de ville privilégiant la protection de la vie privée et limitant la surveillance. Les réformes de l'ASOG marquent un revirement de situation. Le champ d'application de ces nouveaux pouvoirs englobe, dans un cadre juridique unique, la possibilité d'entrer physiquement dans un domicile, d'intercepter des communications numériques et d'analyser des données grâce à l'intelligence artificielle. La frontière entre sphère publique et sphère privée devient de plus en plus floue. Le verdict final appartiendra à la justice allemande. Celle-ci décidera si, au nom de la sécurité, une transformation aussi profonde des fondements de la protection de la vie privée est possible dans un pays longtemps considéré comme un modèle pour le reste de l'Europe.
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