Titre: Archivage des statistiques d'état civil de base : témoignage (05/03/2009 Par zion)
Introduction
Pour satisfaire aux obligations internationales ainsi que pour remplir et définir sa stratégie de santé publique, la Communauté Française de Belgique récolte deux statistiques d’état civil de base : les statistiques de naissances et celles de décès (sur les territoires de Bruxelles et de la Wallonie).

Un retard de 8 ans dans le traitement des déclarations (soit 640.000 déclarations ou 1.800.000 pages) a conduit la Direction Générale de la Santé au sein de la Communauté Française de Belgique à faire appel à Fedaso, en vue de récupérer les années de données réclamées par l’INS et donc d’honorer ses obligations légales.

Depuis Février 2007, Fedaso a rattrapé l’intégralité du retard, soit l’ensemble des déclarations entre 2000 et 2007 et travaille actuellement sur les déclarations de 2008.

Fedaso a en charge la capture et le traitement des données, la codification des causes de décès, l’établissement d’une base de données avec toutes les données récoltées, l’archivage électronique…

Par rapport à la codification des causes de décès, la Communauté Française de Belgique apprécie la formation médicale suivie par le personnel et la connaissance acquise par les opératrices de saisie sur la codification imposée par l’OMS (10.000 codes différents). La codification des causes de décès a également nécessité l’intégration du logiciel Styx (Inserm).

Aujourd’hui, les données récoltées affichent moins de 1% de taux d’erreur.

Monsieur Jacques Henkinbrant, Directeur de la Cellule Statistiques naissances et décès de la Direction Générale de la Santé répond à nos question.
Partie 1
1. La Communauté française a la charge de récolter deux statistiques d'état civil et d'en proposer des statistiques. Pourquoi? Par qui?

Les statistiques de naissances et de décès sont récoltées dans tous les pays du monde. Elles constituent des sources d'informations essentielles sur l'état de santé de la population et sur l'évolution démographique. Les principaux indicateurs qui sont recueillis sont définis par l'OMS et par Eurostat. Chaque pays peut évidemment récolter des données supplémentaires. Au moment de la fédéralisation de la Belgique, le recueil de ces statistiques aurait pu tout aussi bien être confié au niveau fédéral. Elles ne pouvaient pas être confiées aux régions, car celles-ci n'avaient initialement aucune compétence en matière de santé.
Les arrêtés royaux des 14 et 17 juin 1997 définissent clairement le rôle respectif des médecins, de communes, des communautés et du fédéral dans l’établissement de ces statistiques.

2. La Communauté française accusait un retard de 8 ans de traitement. D'où provient ce retard?

Cette mission n'a probablement pas été jugée prioritaire en période de vaches maigres, de sorte qu'il y a eu un manque de personnel et que le recours aux technologies de la reconnaissance optique a été trop tardif. De plus, les tentatives d'automatisation de la saisie de données ont rencontré des difficultés techniques imprévues.

3. Aucune statistique n'était produite sur les décès et les naissances depuis 2000? Et avant?

Le retard n'est pas nouveau. Il y avait avant 2000 un retard chronique de 4 ou 5 ans. Il peut paraître paradoxal que le retard se soit accru au moment où on a décidé de recourir à de nouvelles technologies, mais cela peut se comprendre: pendant la période de transition, on n'a pas procédé aux remplacements du personnel compte tenu de l'amélioration de la productivité espérée.

4. Fedaso a été désigné pour aider la Communauté française à récupérer son retard. Pourquoi Fedaso?

Comme service public, la Communauté française est soumise à la législation sur le marché public. En application de ces règles, un appel d'offres a été publié, avec un cahier des charges détaillé. 4 sociétés ont déposé une offre. FEDASO a emporté le marché compte tenu principalement du prix demandé, de la qualité de la solution proposée et des délais d’exécution.

5. La Communauté française ne dispose-t-elle pas de ressources auprès de la région pour l'aider en la matière?

Non, les budgets et la gestion des ressources humaines sont complètement séparés entre la Communauté française et les régions wallonne et bruxelloise.
Partie 2
6. D'après l'OMS, il existe plus de 10.000 codes de décès. Pouvez-vous en citer quelques-uns? Dans quel but une classification si poussée doit elle être organisée?

On utilise en effet la classification internationale des maladies (CIM ou ICD – International Classification of Diseases). La dénomination complète se prolonge : « et des problèmes de santé connexes ». Car évidemment, on ne meurt pas que de maladie. Cette classification a été établie par l’OMS et fait l’objet de révisions régulières. On en est actuellement à la dixième révision.

Cette classification est effectivement très complexe: elle comporte 2037 catégories à 3 caractères, 12.165 sous-catégories à 4 caractères, réparties en 21 chapitres. Pour chacune de ces 12.165 catégories, le médecin déclarant n’utilise pas toujours le terme exact repris dans la CIM : il existe de multiples synonymes, variantes et abréviations, de sorte que le dictionnaire des pathologies contient finalement 125.159 termes différents.

Bien que les codes à 3 caractères soient suffisants pour les statistiques internationales, il est recommandé de coder avec les sous-catégories à 4 caractères toutes les fois que c’est possible. En fait, les 2037 catégories à 3 caractères représentent la liste de toutes les maladies existantes complétée par les causes externes de décès (accidents, suicides, homicides...).

Quelques exemples: Dans le chapitre des cancers, on trouvera (entre beaucoup d'autres)

(C43) Mélanome malin de la peau
(C44) Autres tumeurs malignes de la peau
(C45) Mésothéliome
(C46) Sarcome de Kaposi
(C47) Tumeur maligne des nerfs périphériques et du système nerveux autonome

Et un exemple de précision apportée par le quatrième caractère:
  1. (C46.0) Sarcome de Kaposi de la peau
  2. (C46.1) Sarcome de Kaposi des tissus mous
  3. (C46.2) Sarcome de Kaposi du palais
  4. (C46.3) Sarcome de Kaposi des ganglions lymphatiques
  5. (C46.7) Sarcome de Kaposi d'autres sièges
  6. (C46.8) Sarcome de Kaposi d'organes multiples
  7. (C46.9) Sarcome de Kaposi, sans précision


On peut comprendre aisément que ces précisions peuvent être utiles pour orienter la recherche scientifique et la prévention vers les causes de décès les plus fréquentes.

Pour bien faire saisir la difficulté de notre travail, ajoutons qu'il y a la plupart du temps plusieurs causes de décès mentionnées.

Pour les morts violentes (accident, suicide ou homicide), on trouve généralement une cause unique. Par contre, pour les décès dus à une cause dite naturelle, le formulaire de déclaration demande au médecin de mentionner « l’enchaînement des phénomènes morbides qui ont conduit à la cause immédiate du décès ». 4 lignes sont prévues pour les causes directes (en commençant par la cause immédiate et en terminant par la cause initiale) ; 3 lignes sont prévues pour les causes associées (« autres états morbides ayant contribué au décès »). Cela peut aller jusqu’à 10 causes, car on en trouve parfois plusieurs sur la même ligne. Parmi, ces diverses causes, il nous faut alors sélectionner celle qui sera considérée comme la "cause initiale" en fonction des règles définies dans la CIM-10.

7. Il est de notoriété publique que Fedaso sous-traite en Afrique du Nord pour son encodage. Qu'en était-il pour ce projet ?

Plus exactement, l'unité de production de FEDASO se situe à Fès, au Maroc. C'est bien là qu'est effectuée la saisie des données. Cependant, nos formulaires papier ne quittent pas la Belgique. La numérisation (conversion des documents papier en images informatiques par un scanner) fait l'objet d'une sous-traitance auprès d'une entreprise sociale du Brabant wallon.
Partie 3
8. La Communauté française avait-elle des garanties que les données confidentielles sur ses ressortissants allaient être sécurisées ?

Il convient d'abord de préciser que ces données qui nous sont fournies à des fins statistiques ne comportent jamais le nom de la personne concernée. Le nom ne figure que sur la page de la déclaration qui est conservée par le service de l'état-civil de la commune. Et par contre, les données médicales sont livrées sous pli fermé et ne sont donc pas accessibles pour le personnel communal.

En plus de ces mesures de protection, la confidentialité et la sécurité des données sont également garanties par diverses clauses du contrat. Un manquement à ces clauses entrainerait une interruption automatique du contrat et des pénalités financières. Une société telle, que Fedaso, spécialisée dans la dématérialisation des documents ne peut courir le moindre risque de perdre sa réputation en faisant preuve de légèreté en matière de confidentialité.

Outre ces clauses contractuelles, le fournisseur, dont le siège social se situe à Bruxelles, est évidemment soumis à la loi relative à la protection de la vie privée à l’égard des traitements de données à caractère personnel. De plus, dans la mesure où une partie du traitement s'effectue dans un pays hors U.E. qui figure dans la liste de ceux qui n'assurent pas un niveau adéquat de protection des données, une convention supplémentaire est signée qui reprend les clauses contractuelles types pour le transfert des données dans des pays tiers, en vertu de la directive européenne en la matière.

En outre, la société qui effectue la numérisation est titulaire de l’agrément « sécurité firme » et « sécurité individuelle » attribué par le ministère belge de la défense. Cet agrément, qui atteste de la conformité des processus et des infrastructures de l’entreprise à des exigences très strictes en matière de traitement de données à caractère hautement confidentiel, est reconnu entre autres par l’OTAN, la Commission européenne, les mondes pharmaceutique et bancaire.

9. Quelles méthodes ont été utilisées pour garantir la sécurité des données entre les intermédiaires ?

Les documents papier sont directement pris en charge par Fedaso ou son sous-traitant; ils sont traités et conservés dans des locaux sécurisés. Les transferts des fichiers images et des fichiers textes sont sécurisés.

10. Vous citez un chiffre inférieur à 1% d'erreur. Comment en arrivez-vous à cette conclusion ?

Le plan d'assurance qualité de Fedaso garantit même moins de 0,2 %d'erreur.
Pour chaque année de livraison, Fedaso s'engage à effectuer la vérification d'un échantillon aléatoire de 125 déclarations, soit, par exemple, 30875 caractères pour les déclarations de naissance. Il procède à une nouvelle saisie de l'échantillon et compare le résultat avec les données de la production. La production est considérée comme livrable si on constate moins de 62 erreurs (30875 X 0,002).

Après réception, le service compétent de la Communauté française procède à la vérification d'un échantillon de même volume, en comparant visuellement les données saisies avec les données de l'image de la déclaration. La livraison est acceptée si on constate moins de 62 erreurs. Une livraison n'a jamais dû être refusée.

11. 640.000 déclarations pour 8 années de retard, cela représente une masse importante de travail. Avons-nous une idée globale du budget dégagé par les autorités pour ces statistiques?

Compte tenu du nombre d'années de retard, le budget est en effet important. Pour une année, cependant, cela constitue un coût très raisonnable compte tenu des économies en investissements informatiques et en main d'œuvre que permet cette sous-traitance. De plus, compte tenu de la spécialisation et de l'expérience du fournisseur, la qualité et la rapidité sont estimées nettement supérieures à celles qui pourraient être atteintes par un traitement par les services de la Communauté française. Le retard de la saisie des données 2000-2008 étant rattrapé, on envisage dès lors de poursuivre le recours à la sous-traitance pour la production courante. Pour éviter de fausser le jeu de la concurrence lors de l'appel d'offres, nous préférons ne pas publier le montant affecté au rattrapage.

12. Les statistiques seront-elles disponibles pour le grand public? De manière synthétique ou anonyme? Moyennant suffisamment d'informations sur les codes de décès, tout informaticien pourrait par exemple générer des statistiques sur les causes de décès dans sa région ou faire d'innombrables autres recherches.

Les données détaillées sont réservées à la Direction générale statistique et information économique du Service public fédéral économie (DG SIE, anciennement Institut national de statistique). La DGSIE constitue une base de données nationale et les transmet aux organismes nationaux et internationaux concernés.

Ces données sont accessibles sur le site de l'Institut scientifique de santé publique (ISP). Il ne s’agit cependant jamais de données brutes détaillées : elles sont toujours publiées sous une forme agrégée au niveau des âges (tranches de 5 ans) et au niveau géographique (pas de données par commune, mais par arrondissement, province ou région).

Des chercheurs ne peuvent obtenir un accès à des données plus détaillées qu’à condition de justifier leur utilité dans le cadre d'un travail de recherche, de signer une convention de confidentialité et de faire une déclaration auprès de la Commission de protection de la vie privée.
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